Résolution finale
votée à l’unanimité par la
7 ème Assemblée générale ordinaire
Venise
du 23 au 28 août 1958
La Société Européenne de Culture, réunie en Assemblée générale à Venise du 23 au 28 août 1958, a étudié la situation créée par la menace atomique sur la base du rapport de son Secrétaire général, M. Umberto Campagnolo, intitulé Raison de l’homme et raison d’État devant le problème des armements atomiques.
L’Assemblée générale de la Société Européenne de Culture, reconnaissant que le contrôle et l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire peuvent ouvrir une nouvelle ère dans l’histoire du monde, reconnaissant également que l’utilisation de cette énergie pour la guerrepeut détruire notre civilisation, a recherché les voies et les moyens propres à conjurer l’extrême danger qui pèse sur le monde du fait de l’existence de ces armements accumulés.
En conclusion de ses travaux, l’Assemblée générale a adopté la résolution suivante :
La guerre atomique n’est pas un danger imaginaire. La guerre atomique est possible, mais non inévitable. Ni les efforts des États, ni les appels pathétiques et motivés des personnalités les plus éminentes, ni les pressions encore trop faibles d’une opinion publique angoissée, ni les différentes doctrines sur le désarmement n’autorisent à eux seuls l’espoir d’éviter la catastrophe atomique. Les armes n’engendrent pas nécessairement la guerre. C’est la guerre qui suscite l’invention d’armes de plus en plus meurtrières. C’est la possibilité de la guerre qui déclenche et stimule la course aux armements. L’existence des armes atomiques ne change pas la nature essentielle de la guerre.
Il serait hasardeux d’espérer que les horreurs démesurées d’une guerre atomique l’empêcheraient d’éclater. Pour conjurer la menace atomique il faut donc s’attaquer à la guerre elle-même dans son
principe.
En dernière analyse, il apparaît que la cause des guerres ne réside pas seulement dans l’ambition, l’égoïsme, l’orgueil ou la méchanceté des individus, des sociétés et des gouvernements, mais aussi dans l’antagonisme permanent qu’alimente la tendance des États à faire prévaloir leurs intérêts particuliers, tendance qui conduit à transgresser des principes universels dont l’autorité est cependant reconnue.
La Société Européenne de Culture invite instamment les hommes de culture de tous les pays à prendre en considération ces constatations de fait. Elle leur demande de peser leur responsabilité propre dans la lutte commune des peuples pour écarter un danger capital.
Les hommes de culture ont pour mission d’éclairer les peuples, et de susciter en leur sein les forces de la conscience et de la raison humaines qui doivent prévaloir sur les puissances irrationnelles et sur l’empire de la raison d’État.
Prisonniers de mythes qui les fascinent, mus par des passions qu’attisent les propagandes, les peuples ignorent encore que l’homme n’est pas l’esclave du destin, que le dialogue sans préventions, réticences ou mensonges d’aucune sorte entre les individus et les peuples est par lui-même une force capitale, capable de réduire les tentations de la violence, de transformer radicalement les conditions d’existence des sociétés et les rapports entre les peuples, afin que disparaissent les antagonismes qui portent à la guerre.