Résolution finale
votée à l’unanimité par la
2ème Assemblée générale ordinaire
Venise
du 9 au 12 juin 1952
La deuxième Assemblée générale ordinaire de la Société Européenne de Culture, réunie à Venise du 9 au 12 juin 1952, ayant examiné la situation générale par rapport aux intérêts fondamentaux de la culture, a retenu les faits suivants :
1) L’aggravation de la situation internationale et ses conséquences militaires, économiques et morales apparaissent :
– dans le caractère toujours plus déterminant des raisons proprement stratégiques,
– dans l’intransigeance totalitaire de certains éléments intellectuels qui pourtant font profession de lutter contre elle,
– dans l’incessante diminution des échanges et des contacts positifs entre les peuples,
– dans la disparition progressive des possibilités et des occasions de rencontres entre les hommes pour une compréhension mutuelle.
2) Les peuples repoussent l’idée que la guerre est inévitable. Leur répulsion s’accorde avec les exigences essentielles de la culture. Ils n’en ont pas toujours conscience, non plus que certains hommes de culture, de sorte que cet accord ne constitue pas, pour la solution de la crise, la force qu’il est certainement destiné à devenir.
3) Les hommes de culture n’ont accompli jusqu’à présent que des efforts insuffisants pour s’opposer à l’engagement des forces de l’esprit dans une lutte qui, du fait de la division actuelle du monde, est affirmée comme un absolu. Trop nombreux sont encore ceux qui espèrent, en dépit de tout, se maintenir à l’écart, en comparaison de ceux qui veulent agir pour donner à la crise la solution humaine à laquelle aspirent instinctivement les peuples et qui est le but de la culture.
Ayant considéré ces faits, la deuxième Assemblée générale ordinaire de la S.E.C., au cours de sa dernière séance, tenue le 12 juin 1952 en l’Aula Magna de l’Université de Padoue, a voté à l’unanimité la résolution suivante :
- a) L’Assemblée, s’adressant d’abord aux membres de la S.E.C., les invite d’une manière pressante à développer l’action de la Société ; à maintenir la pratique du dialogue, garantie de liberté et de paix ; à unir les hommes de culture pour la défense de l’autonomie de la culture.
- b) L’Assemblée, s’adressant ensuite à tous les hommes de culture, les exhorte à s’unir ; à considérer que les sciences, les arts, les lettres, la pensée sont des forces capables de peser sur la politique ordinaire elle-même, et que le destin de la culture est indissolublement lié au destin de la société tout entière ; à prendre conscience de leur responsabilité à l’égard des peuples dont ils devraient être les interprètes ; à rendre évidents le sens et la portée sociale de la culture ; à faire effort pour dépasser les termes dans lesquels est formulé le conflit actuel, qui, si on s’y laissait enfermer, ne pourrait que dégénérer en catastrophe.
- c) L’Assemblée, s’adressant enfin à tous les hommes, rappelle à leur attention que la vraie culture est solidaire de la société dont elle est le bien indivis, et qu’elle est un élément indispensable de la vie sociale, au point qu’elle ne peut vivre et s’épanouir qu’en accord avec les aspirations les plus profondes des peuples. L’Assemblée engage donc chacun à reconnaître que les hommes de culture aspirent eux aussi à surmonter les antagonismes politiques ; elle demande à tous de réfléchir sur les raisons de cet accord spontané, d’affirmer leur confiance dans les forces de la culture et leur volonté de les appuyer.