Document final de la
19 ème Assemblée générale ordinaire
Bari
du 22 au 25 octobre 1988
La Société Européenne de Culture a tenu sa XIXe Assemblée générale ordinaire à Bari, du 22 au 25 octobre 1988, pour accomplir sa tâche primordiale consistant à s’interroger sur l’impact, les occasions, les défis que représentent, pour une culture consciente d’avoir un rôle actif à jouer dans la société, les changements substantiels et de style survenus sur la scène internationale. Le thème de la rencontre était ainsi formulé : L’Europe de la culture dans le nouveau climat Est-Ouest.
Ce nouveau climat s’est instauré à la suite des accords intervenus entre les deux superpuissances, ayant pour objet la diminution et, pour la première fois, l’élimination réciproquement contrôlée d’armements déjà fabriqués et placés sur le terrain ; en vertu aussi des transformations en cours en Union soviétique. Ce nouveau climat est perçu avec satisfaction à la S.E.C., qui a toujours cherché le dépassement des oppositions rigides entre blocs de puissances ; elle y voit une confirmation de ses efforts constants visant à contribuer à l’avènement d’une paix qui n’ait pas la guerre pour alternative.
Ledit climat s’est consolidé grâce à d’autres négociations de paix, cessez-le-feu, ou retraits d’armées. Il semble que la raison d’État des superpuissances fasse place, sous l’impulsion de celles-ci, à une raison supérieure dont découle un recours à l’ONU, qu’on espère aujourd’hui établie enfin dans son rôle d’organisme pacificateur, appelé à mettre concrètement fin à des conflits entre nations. Ce progrès n’est, bien sur, pas irréversible. La S.E.C. entend œuvrer en faveur de sa continuité, conformément à ses principes.
Les divers rapports, communications, et interventions présentées à l’Assemblée convergent dans la prise de conscience d’un «retour de l’homme» à l’avant-plan de la société et de la culture d’une part, en tant que membre de l’espèce humaine, devenue objectivement interdépendante, menacée dans sa survie et de plus en plus solidaire, et, d’autre part, en tant que personne autonome, libre agent de participation et de création culturelles. Le développement nouveau de la société soviétique est marquant à cet égard. L’Assemblée, prenant acte des déclarations positives entendues à ce propos, en tire de larges perspectives de dialogue et d’échanges et d’entreprises culturelles communes ; elle y reconnaît une expression historiquement importante de la politique de la culture. Elle espère contribuer, pour sa part, à la réalisation complète de ce mouvement «humaniste» qui doit embrasser la planète entière. Là trouve son point d’appui la «civilisation de l’universel» dépassant, sans les altérer dans leurs valeurs essentielles, les cultures particulières des peuples.
Il est apparu en outre que si le dialogue n’est plus, à l’heure actuelle, objet de lutte et de conquête, mais que, de plus en plus largement pratiqué, il voit ses possibilités s’amplifier, parce que des langages communs et un fond commun qui ont toujours existé peuvent maintenant se manifester, la S.E.C. (qui en a fait l’un de ses instruments principaux et qui le pratique depuis bientôt quarante ans) n’y trouve pas de raisons pour affaiblir son engagement. Au contraire, elle veut le renforcer, car elle croit que la culture se doit d’assumer tout l’apport possible afin que les nouvelles occasions offertes par la situation générale acquièrent un caractère permanent, dans «l’Europe sans rivages mais non pas sans visage», où la culture est une, tout en intégrant la diversité qui fait sa richesse. La S.E.C. réaffirme sa conviction que les potentialités de la politique de la culture sont plus que jamais à mettre en œuvre à ces fins.
Face aux changements en cours qui engendrent des variations dans la valeur des concepts, il s’est dégagé du débat l’opportunité que soient réexaminées certaines questions fondamentales comme, dans le cadre du rapport entre culture et pouvoir, le sens de l’autonomie de la culture et le rôle de la politique de la culture, ou encore le rapport entre politique de la culture et politique au sens ordinaire.
Il y a lieu également de prendre en considération les effets du nouveau climat sur la terminologie relative aux notions de guerre, de paix, de culture, d’homme de culture. La S.E.C. a toujours attribué une grande importance à l’étude des aspects sémantiques de ces matières. Elle renouera ainsi avec l’approche de Campagnolo, dont témoigne son Dictionnaire.
Tout cela considéré, il sera opportun que les Centres de la Société s’activent et intensifient entre eux les échanges d’expériences et de personnes ; qu’ils aient en vue aussi l’intérêt à susciter auprès des générations montantes. Dans cet ordre prennent place la promotion et la diffusion de « Comprendre », ainsi que la réalisation d’autres publications et de projets.
L’Assemblée, par ailleurs, a accompli ses devoirs statutaires, les mandats étant venus à échéance, en procédant à la réélection des organes de la Société : le Conseil exécutif ; le Conseil d’administration ; les Réviseurs des comptes ; le Bureau international, ainsi composé : Vincenzo Cappelletti, Président ; Arrigo Levi, premier Vice-président ; Angelos Angelopoulos, Jean Bernard, Gerhard Funke, J. Robert Nelson, Robert Rojdestvenski, Michal Rusinek, Vice-présidents ; Michelle Campagnolo-Bouvier, Secrétaire général international ; Giuseppe Galasso, Directeur de « Comprendre ».
Norberto Bobbio a été nommé Président d’honneur, par acclamation.
Le Prix de la Société, pour les années 1987 et 1988, destiné à des personnalités «ayant contribué, dans l’esprit de la politique de la culture, à promouvoir la solidarité entre les peuples» est conféré à Norberto Bobbio et à Graham Greene. Les deux Prix ont été dotés d’une œuvre originale offerte par deux artistes membres : Jan Le Witt et Mića Popović.
Enfin, l’Assemblée a exprimé sa chaleureuse reconnaissance à l’hôte et organisateur du congrès, M. Mauro Di Giandomenico, Directeur du Séminaire d’histoire de la science de l’Université de Bari, et à tous ceux qui d’une façon ou d’une autre ont collaboré avec lui pour assurer le meilleur déroulement aux travaux.